Sujet : dans une circonstance précise de votre vie, vous avez connu, comme Eva, un moment d'angoisse. Evoquez cette circonstance ; vous insisterez sur la manière dont vous l'avez vécue et comment vous avez finalement triomphé de cette situation.
Je me souviendrai toute ma vie de ce jour. J'étais allée donner un concert de piano devant près de trois cents personnes. L'estomac noué, j'attendais, juste derrière la porte...
"Dans quelques minutes, ce sera à toi." Pendant une ou deux secondes, je n'eux aucune réaction. Puis ces mots s'insinuèrent dans mon esprit, petit à petit, et avec la diabolique conception que peut parfois avoir le cerveau de l'homme, ils chassèrent toute autre pensée, me laissant en proie à une effoyable terreur. J'avais l'impression de me tenir au bord d'un abîme sans fond, dans lequel l'implacable étau du destin allait me précipiter, inexorablement.
J'essayai alors de me répéter la mélodie de la pièce que j'allais présenter. D'habitude, les notes venaient d'elles-mêmes et formaient comme un flot harmonieux qui coulait dans mon esprit et le transportait jusqu'aux rives de la sérénité. Il m'était déjà arrivé de ressentir cette angoisse qui étreint le coeur, mais cette méthode parvenait toujours à me procurer un sentiment d'apaisement.
Mais là, impossible. C'était le vide, le trou noir oppressant, une sensation jusqu'alors inconnue, encore pire que toutes celles que j'avais déjà ressenties. Le seul fait de me tenir immobile devenait insoutenable.
C'est alors que je fis mon entrée sur scène. j'étais comme électrisée. Mon coeur battait la chamade, menaçant d'éclater, la sueur perlait sur mon front, je la sentait courir le long de la colonne vertébrale. Les bribes de conversations du public s'arrêtèrent instantanément. Toutes les paires d'yeux s'étaient fixées sur moi.
"Quelle folie, pensai-je. C'était trop tard pour renoncer à présent.
J'effleurai alors le clavier du piano, et à cet instant, un sentiment étrange, que je ne pourrai jamais retranscrire fidèlement, s'empara de moi : non pas un sentiment qui fit disparaître mes angoisses, mais qui me fit prendre conscience que j'en étais capable. Oui, capable ! Capable de jouer devant tant de spectateurs, capable de tenir le public en émoi, grâce à quelques notes de musique !
Je m'asseyai alors, comme dans un rêve, une douce torpeur indescriptible ; et je commençai à jouer. Il n'y avait plus que la musique et moi. Dès les premiers instants, les premières secondes, les premiers sons, les premières notes, une émotion intense s'empara de moi, un frisson me parcourut de l'échine jusqu'au bout de mes doigts, et le plus extraordinaire...Toutes mes peurs s'envolèrent, comme les épais nuages de la fin de l'hiver qui s'estompent pour laisser place à un soleil encore frêle, mais qui au fil des mois deviendra éblouissant et radieux. Au fil des notes, la mélodie se fit plus intense, plus lumineuse. C'était mon soleil.